homeArno Gisinger ist Fotograf und Historiker und lebt in Paris. Er unterrichtet an französischen und österreichischen Hochschulen.
 

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Galerie Le Bleu du ciel, Lyon
 
Konstellation Benjamin 2011
L'imagier de l’exil (Text von Gilles Verneret in französischer Sprache)

Soixante-dix ans après la mort du penseur Walter Benjamin de la perte d'aura et de la politisation de l'esthétique, Konstellation Benjamin, né de la collaboration entre Arno Gisinger et une spécialiste de Benjamin (Nathalie Raoux), s'emploie à lui rendre justice. Ici, tout est montage et constellation. Constellation de la photographie et de la recherche historique d'abord, quand 36 arrêts sur images du photographe Arno Gisinger, découpés dans les années d'exil de Walter Benjamin, recomposent une histoire que la chronique de Nathalie Raoux redit autrement.

Le passé présent dans le présent par le relais de l’imaginaire, ainsi pourrait-on définir en introduction cette démarche, qui se recueille en images sur les traces des exils de Walter Benjamin. L’illustration par la caméra de lieux où le philosophe a vécu, où il est passé et sur lesquels il a écrit, ou annoté quelques phrases, se déroule devant nos yeux comme un herbier visuel.

Parfois le constat rigoureux et précis retranscrit directement le point de vue de l’auteur, parfois il l’interprète, peut-être par refus des points de repères historiques, le photographe privilégiant l’évocation intérieure. Il bannit la nostalgie au profit d’un regard sur le présent pour créer cette dialectique que soulignait Benjamin ; une dialectique qui instaure un rapport synchrone et nous oblige à un acte de présence réactivée.

L’image sans le texte accompagnateur perdrait de ses significations ; mais, grâce à lui, elle s’érige au contraire en une sorte de palimpseste qui porte la trace imaginaire d’un vécu sur lequel on récrit une histoire. Et cette histoire visuelle se construit dans un contexte à la fois différent et étrangement semblable ou coutumier. Elle porte en elle ses propres signifiants, indifférents à leurs promoteurs originels.

Ainsi le lecteur / spectateur est-il confronté à une lecture parallèle : une lecture frappée de l’absence de « ce qui a été » et aujourd’hui réanimée par la faculté de l’imaginaire. Comme le panorama d’une chambre avec vue de laquelle on observerait à ses pieds le lieu de l’algorithme.

« Un algorithme, c'est une méthode, une façon systématique de procéder pour faire quelque chose : trier des objets, situer des villes sur une carte, multiplier deux nombres, chercher un mot… Certaines actions mécaniques se prêtent bien à la décortication. On peut les décrire de manière générale, identifier des procédures, des suites d'actions ou de manipulations précises à accomplir séquentiellement. »

On saute donc d’une temporalité à une autre, d’un paysage à un autre, d’une ville à une autre, d’un espace mental à un autre, d’une pensée à une autre – pensée minée par la peur que l’on devine en filigrane dans cette errance. Ces juxtapositions engendrent les constellations déclinées par la structure générique.
La distanciation est de mise, la fascination écartée au profit du presque « procès verbal » visuel qui ne parvient pourtant pas à masquer la démarche de ce qu’il faut bien appeler un pèlerinage conceptuel.

Il y a, sous-jacent à ce travail, la volonté de retrouvailles, d’un retour sur le temps qui ne céderait rien aux sentimentalités. Le choix des lettres écrites par le philosophe permet de flirter avec la métaphore de l’imagerie touristique, du périple qui se déroule, implacable, là où l’on ne se sent jamais chez soi…
Ce sont donc comme des cartes postales à la contemplation desquelles nous convie Arno Gisinger. Avec à chaque fois un petit mot juxtaposé à l’image, pour nous rappeler ces morceaux d’existence, vécue au gré des déplacements et bouleversements de l’histoire.

Habite-t-on jamais un lieu et s’y laisse-t-on bercer par une empreinte quelconque ?

Car au bout de ce voyage le paradoxe est que l’on se sent touché par une émotion intemporelle – émanée de cette durée du réel arrêté dans son élan mémoriel. Et l’exil intérieur qui en sourd nous bouscule dans notre confort d’époque de paix.

Gilles Verneret


 Galerie Le Bleu du ciel, Lyon, 2011